Quand prendre soin de soi fait peur : l’histoire d’un rôle qui vacille
Il y a des phrases qui, en séance, tombent comme des aveux silencieux.
Ma cliente d’hier, 47 ans, séparée, deux enfants presque adultes, m’a dit :
« Je commence des choses qui me font du bien… mais j’arrête toujours avant d’y goûter vraiment. »
Elle disait cela avec douceur, presque avec honte.
Elle ne comprenait pas. Elle lisait trois chapitres d’un livre qui lui plaisait puis l’abandonnait. Elle s’inscrivait à un cours qui l’enthousiasmait puis cessait d’y aller. Elle percevait les bénéfices, sentait que ça lui faisait du bien… et malgré tout, quelque chose en elle tirait le frein à main.
« Pourquoi je ne sais pas prendre soin de moi ? »
C’était la question. Et, derrière, la tristesse de quelqu’un qui a l’impression de « rater sa vie intérieure ».
Quand le vide arrive, le rôle vacille
Nous avons parlé longtemps. Et peu à peu, l’évidence s’est dessinée.
Cette femme, qui aujourd’hui se sent perdue, assise au bord d’elle-même, traverse en réalité un moment de bascule que vivent beaucoup de femmes : la fin d’un rôle.
Ses enfants ont grandi.
Ils n’ont plus besoin d’elle comme avant.
Ils commencent à prendre leur envol.
Et soudain, ce qui l’a tenue debout pendant des années, prendre soin, rassurer, organiser, porter, n’a plus la même utilité.
Ce vide-là n’est pas un creux : c’est un vertige.
On croit parfois que la liberté d’avoir à nouveau « du temps pour soi » devrait réjouir.
Mais pour celle qui a structuré son identité autour de la disponibilité, cela devient une question existentielle :
« Qui suis-je, s’il n’y a plus quelqu’un à apaiser ? »
Les enfants grandissent… et parfois la mère s’effondre
Elle m’a confié se réveiller avec ce sentiment étrange : « Je ne sers plus à rien. »
Et de là vient la panique, la dépression douce, cette impression de flotter sans rive.
En parlant de son enfance, tout a pris sens.
Elle était une petite fille joyeuse, éveillée, vivante.
Mais au milieu de deux parents qui se disputaient constamment.
Alors, comme tant d’enfants, elle s’est donné une mission :
réconcilier, apaiser, absorber.
Elle était heureuse pour elle, mais malheureuse pour eux.
Son propre espace émotionnel se retrouvait colonisé par la tempête des adultes.
Prendre soin de l’autre n’était pas un geste : c’était un système de survie.
Comment, plus tard, aurait-elle pu prendre soin d’elle sans une sensation de trahison ?
Choisir soi : un geste encore trop chargé
En avançant dans la séance, elle a compris une chose essentielle :
Prendre soin d’elle lui donnait l’impression de voler quelque chose à ceux qu’elle aime.
Du temps.
De la présence.
De l’attention.
Comme si se choisir, c’était abandonner.
Comme si se nourrir, c’était priver.
Comme si être à l’intérieur de soi, c’était tourner le dos au monde.
Alors évidemment : commencer oui, mais finir non.
S’autoriser un peu, mais pas trop.
Goûter, mais sans habiter vraiment.
Parce que s’installer dans son espace intérieur, c’est, pour elle, laisser les autres dehors.
Et ça, son histoire lui interdisait de le faire.
L’hypnose : revenir chez soi sans perdre personne
En hypnose, nous avons travaillé à un mouvement fondamental :
rentrer à l’intérieur.
Non pas pour s’y enfermer.
Non pas pour s’y couper du monde.
Mais pour découvrir que son espace intérieur n’est pas une forteresse…
C’est une maison.
Une maison qu’elle peut habiter, décorer, nourrir, ouvrir… Et dans laquelle les relations deviennent plus belles parce qu’elles ne viennent plus tout envahir.
Je l’ai invitée à ressentir cet espace comme un jardin :
un lieu vivant qu’on entretient non pas contre les autres, mais pour mieux les accueillir ensuite.
L’émotion qui est montée était immense.
Pas de tristesse. Pas de nostalgie.
Une libération.
Elle a réalisé que prendre soin d’elle n’était pas une rupture, mais une respiration.
Quand le rôle tombe, la femme apparaît
Beaucoup de femmes arrivent à cet âge où les enfants prennent de la distance, où la séparation oblige à se retrouver, où le bruit du quotidien disparaît… et où, paradoxalement, la vie intérieure hurle.
Elles pensent être perdues.
En réalité, elles arrivent enfin devant elles-mêmes.
Ce qui fait peur n’est pas le manque de rôle.
Ce qui fait peur, c’est de se choisir.
Mais une vérité demeure :
on ne peut pas accueillir le monde quand on laisse sa maison se vider de soi.
Et si votre crise était en fait une entrée ?
Une entrée vers vous.
Vers une maturité intérieure.
Vers une façon de vivre qui ne soit plus un rôle mais une présence.
Si vous traversez cette période, ce flottement, ce vertige, cette perte de repères, sachez que vous n’êtes pas en train de vous effondrer.
Vous êtes en train de vous rencontrer.
Et c’est peut-être la première fois.